« C'est une chose diffcile à déraciner que la langue d'un pays »
Victor Letellier, « Une année à Dunkerque » 1850
La période française de Dunkerque, commencée il y a plus de trois
siècles, y a engendré la compétition entre le français, langue officielle
mue par les exigences d'intercompréhension à l'intérieur de l'hexagone et
la langue flamande, expression du particularisme local. Ce heurt a
engendré un parler « synthétique » amalgame de vlaemsch (souvent prononcé
à la française), de néerlandais (beaucoup de mots dunkerquois sont
plus proches du néerlandais actuel que du flamand), de picard (tout proche),
et bien sûr de français pour l'essentiel.
Le parler dunkerquois que certains - ils ne le connaissent pas - trouvent
vulgaire est truculent. A côté des mots qui font l' objet de ce lexique
- dont l' essentiel avait été publié dans « Les enfants de Jean Bart » en
1977 (1) - viennent se greffer des expressions savoureuses, accompagnées
de « flandricismes » (traductions littérales d' expressions flamandes),
de diminutifs familiers, d'inversion de syllabes, de mots déformés ou
employés à contre-sens, le tout prononcé avec un accent inimitable…
La nature profonde des Dunkerquois transparaît toujours à travers les
thèmes des mots conservés. Nos personnages sont campés par leur
vocabulaire particulier de sucreries, de pâtisseries, de beuverie, d'amour,
de pêche, de travail. Dressez une liste des types humains, une cour des
miracles naît de la truculence du verbe seul.
La plupart des mots dunkerquois recensés sont présentés par ordre
alphabétique dans les pages suivantes. A chaque fois que cela a été jugé
nécessaire, un exemple d' emploi a été donné pour éviter les contre-sens.
Certaines expressions sont tellement indissociables qu' elles ont été
données dans leur intégralité dans les « pages roses » de ce lexique, qui
reprennent également la majeure partie des « Flandricismes ».
(1) celui que nous reproduisons ici étant tiré de « Carnaval Dunkerquois » (1984)
QUELQUES REMARQUES CONCERNANT L' ORTHOGRAPHE ET LA PRONONCIATION
Etant donné que le « dunkerquois » est de tradition orale, il n' en
existe pas d'orthographe codifiée et les mots ont été écrits de façon Ã
pouvoir être prononcés à peu près correctement par des lecteurs de
langue française. Ainsi pour les diminutifs, le suffixe « je » ,
flamand a été remplacé phonétiquement par « tche » ,« Kledje » , est donc
orthographié « Klèd'tche » , ou « Clètche » ,. Le « oe » , flamand a été
écrit phonétiquement « ou ».
Toutefois, pour certains mots, l'orthographe flamande a été partiellement
respectée car elle est très connue, tout au moins localement. Ainsi, les
mots en :
Le « k » , flamand a parfois été remplacé par le « c » , français ou
par -ck pour respecter un certain usage, en partilculier le lexique que
publiait Maurice Bèle alias « Batiche » dans la Voix du Nord, dans
les années d' après-guerre.
QUELQUES REMARQUES CONCERNANT LA SYNTAXE
La persistance de la langue flamande fait que le subjonctif n'est pas connu
à Dunkerque, et encore moins la concordance des temps : Il faut qu'
j'y vais parce qu'il faut qu' je l'fais (il faut que j'y aille parce
qu'il faut que je le fasse…). Il m'a dit d' r'v'nir (il m' a dit qu'il
reviendrait). « Il m'a dit d'aller au marché » (il m' a dit qu'il irait au
marché).
Etant donné qu' en flamand, l' article défini « de » (ou 'n) s' emploie
indifféremment au masculin et au féminin, on ne s' étonnera pas de
trouver beaucoup de mots dunkerquois employés au genre masculin alors
qu'ils sont au féminin en français : « mon zeustre, al travaille » (ma soeur
travaille).