Fête plusieurs fois séculaire, la Saint-Martin n'est plus célébrée en 2000 comme elle l'était encore en 1900…
Ainsi, la date du défilé n'a pas toujours correspondu au seul 10 novembre, et les enfants participaient autrefois à la fête habillés de vêtements particuliers. Mais tout comme aujourd'hui, le défilé se faisait en chansons, et de nombreuses lanternes illuminaient le cortège. Et pour les courageux chercheurs d'ânes, il y a toujours eu des récompenses…
La Saint - Martin Ă Dunkerque en 1999.
On aperçoit au second plan l'âne Panicaut, géant d'osier qui n'a pas fait l'unanimité auprès des Dunkerquois, habitués à un « vrai » âne…
Le port de vêtements de pêcheurs et de bottes, en référence à la tenue vestimentaire des jeunes héros commémorés, fut pratiqué jusqu'à la belle époque. Puis cette pratique se perdit, probablement en partie à cause du déclin de la pêche sur Dunkerque, qui raréfia jusqu'à la possession de ce type de vêtements …
Sur cette carte postale datant de la Belle Epoque, on distingue nettement les cirés portés par les enfants.
Betterave sculptée et lanterne : deux ingrédients indispensables au défilé (Dunkerque, 1999)
Les torches des toutes premières commémorations se transformèrent peu à peu en lanternes, moins dangereuses à manipuler. La lanterne traditionnelle, la « papier lantern », est en forme de pyramide renversée. Les parois intérieures, au centre desquelles brûle la bougie, sont huilées. La lanterne est maintenue en hauteur à l'extrémité d'une baguette de bois, et parfois décorée d'images d'Epinal découpées ou simplement peinte. Certains enfants utilisaient des fanaux, ces lanternes servant sur les bateaux et qu'il leur était facile de récupérer à l'époque où la pêche était encore le moteur de l'économie dunkerquoise.
Puis peu à peu se développa aussi l'usage de betteraves sculptées, préalablement « récupérées » auprès des maraîchers. Ces betteraves sont vidées jusqu'à en devenir translucides et des trous, permettant l'évacuation de la fumée et aussi la manipulation de la bougie, sont percés. Ces fentes, taillées de sorte à constituer une bouche, un nez et des yeux contribuent également à rendre plus esthétique cet objet que l'ovalité prédispose à prendre l'aspect d'un visage…
Très vite, les enfants, désireux d'être remarqués et mis en valeur grâce à la possession d'une lanterne magnifique, rivalisèrent d'imagination. C'est alors parfois toute la famille qui s'initie à la sculpture légumière. A partir de 1905, les premiers concours de lanternes sont organisés, et certaines deviennent de véritables maquettes lumineuses en carton ou en papier mâché. A la belle époque commencent à apparaître des lanternes en forme de beffroi, de leughenares, d'hôtel de ville, de statue de Jean Bart, et même d'hommes politiques comme Clemenceau ou Fallières.
Aujourd'hui, ces concours existent toujours, et betteraves et maquettes défilent souvent devant des jurys différents. Il faut reconnaître que ces objets sont devenus très dissemblables et que beaucoup de maquettes ne sont dorénavant ni lumineuses ni destinées à défiler. Si bien que beaucoup de gens se demandent pourquoi un concours de maquette, visiblement sans rapport avec le reste de la cérémonie, est organisé le soir de la Saint-Martin. Quant aux « papier lantern », elles ont disparu sous leur forme traditionnelle mais les lanternes de papiers tenues à l'extrémité d'un manche sont très nombreuses. Certaines de ces lanternes sont conçues à l'école par les enfants eux-mêmes, qui parfois appellent cet objet « un Saint-Martin ». La majorité d'entre elles est cependant fabriquée industriellement. Elles sont alors souvent colorées et parfois à l'effigie de héros de dessins animés ou d'horribles citrouilles.
Arrivée de Saint-Martin et de son âne (Bambecque, 1999)
Le tintamarre accompagnant encore la procession au début du siècle (chansons, teutres, trompettes en plâtre, clochettes et cornes de brume) n'est plus le même aujourd'hui. Les airs traditionnels ne sont plus interprétés par les enfants eux-mêmes mais par l'harmonie locale. Aux instruments de musique des enfants ont succédés des pétards, et le répertoire se limite très souvent à la chanson :
et parfois encore ses variantes :
Musiciens accompagnant le défilé (Teteghem, 1999)
Pourtant, le répertoire était à l'origine beaucoup plus varié. Outre les chansons en flamand, qui ont naturellement disparu, d'autres comme celles des croquendoules, chantée pour réclamer la fameuse récompense, tend à disparaître. Si bien qu'aujourd'hui beaucoup d'enfants ignorent cette chanson, et parfois même jusqu'à la signification du mot croquendoule, ne connaissant que le terme volaeren.
Au début du siècle, les jeunes dunkerquois chantaient encore une version dont les paroles mêlaient français et flamand :
On pouvait également entendre cette autre version :
Saint-Martin et son âne au milieu des enfants (Armbouts-Cappel, 1999)
Chose plus surprenante, le rituel étant alors étroitement lié aux métiers de la mer, des chansons du répertoire dunkerquois comme Mon Oncle Cô ou Ah ce qu'elle est courue la pêche à la morue étaient entonnées. Rappelons pour replacer les choses dans leur contexte que l'âne de Saint Martin fut retrouvé par des enfants de pêcheurs et que les participants au défilé étaient vêtus de cirés, s'éclairaient à l'aide de fanaux et utilisaient pour faire du bruit cornes de brumes et chaînes de marine. Mais quiconque se hasarderait aujourd'hui à lancer de telles chansons aurait droit aux réprobations de nombreux dunkerquois soucieux de ne pas laisser le carnaval « déborder » sur d'autre festivités…
Les volaeren, petits pains à deux têtes, ont une forme immuable et ancestrale. La plupart des boulangers du dunkerquois en produisent, et certains livrent également les mairies par dizaines de caisses… Il est de tradition que la municipalité qui organise le cortège se charge de récompenser les enfants en distribuant au moment de la dislocation du cortège ou du concours de betterave un volaere à chaque participant. On remarque cette récompense est très attendue et que les paroles de plusieurs chansons exhortent Saint Martin à se livrer à une distribution immédiate et générale…
Saint-Martin distribue ses volaeren(Ghyvelde, 1999)
Jusqu'au milieu du XIXème siècle, et encore un peu plus tard dans certaines bourgades de la campagne flamande, les enfants passaient également de maison en maison, équipés de leurs lanternes, et réclamaient quelque récompense, plus souvent d'ailleurs sous forme sonnante et trébuchante que sucrée. Cette tradition disparue ne doit évidemment en aucun lieu servir de caution historique au « trick-or-treat », le racket d'Halloween que pratiquent désormais certains enfants à l'occasion de la Saint-Martin.
Une récompense attendue à travers toute la Flandre
(ici Ă Cappelle-La-Grande , en haut, et Ă Wormhout, en bas, en 1999)